Le Multitasking ou l’Art Subtil de Faire Tout N’importe Comment

Pour notre premier article sur le blog de Fuyons la Défense, nous avons choisi de pousser un coup de gueule en pointant du doigt le mal de notre siècle digital: le multitasking.

Cela vous est-il déjà arrivé de répondre à vos mails pendant un rendez-vous ? D’apporter votre ordinateur en conférence et faire semblant de prendre des notes pour surfer sur le net ? De répondre au téléphone pendant que vous conduisez ? D’écrire un texto pendant que vous lisez ? D’interrompre une tâche en cours pour consulter compulsivement votre smartphone à la moindre notification ? Alors, vous aussi vous êtes un multi-tasker. Si tant de personnes se disent fatiguées par leur travail, voire proches du burn-out, ce n’est pas exclusivement à cause du volume horaire, mais bien parce que nous passons notre journée à jongler sans relâche entre plusieurs activités. Décryptage.

Le mythe du multitasking

Le multitasking est devenu le Graal de nos sociétés modernes. Pourquoi faire une seule chose quand on peut en faire deux ou trois en parallèle ? Le multitasking sévit partout, surtout en entreprise, où la capacité des employés à en faire preuve est érigée en critère de performance. Les superhéros du monde de l’entreprise doivent savoir jongler entre des tâches multiples: ils peuvent assister à un meeting tout en répondant à leurs mails sur leurs smartphones pendant qu’ils gribouillent quelques notes pour la présentation de demain. Leur super-pouvoir: l’ubiquité, ou la capacité d’être dans plusieurs endroits en faisant plusieurs choses au même moment.

Le Roi est nu comme un ver !

Les multi-taskers aiment croire qu’ils sont partout mais la vérité est qu’ils ne sont nulle part. Appellation branchée, le multitasking n’est au fond guère plus qu’une manière prétentieuse de désigner une attention déficiente, une difficulté à se concentrer sur une tâche de manière soutenue, l’incapacité à resister aux sollicitations incessantes de nos smartphones qui vibrent et clignotent sans répit.

Alors sans plus de détour, nous vous révélons l’envers du décor:

1. Le multitasking rend stupide. Une étude célèbre réalisée en 2005 pour Hewlett Packard par TNS a montré que les personnes qui font du multi-tâche subissent une perte temporaire de 10 points de QI, soit plus du double de la baisse observée dans les études sur les fumeurs de cannabis !

1. Le multitasking n’améliore pas votre productivité, il la tue. Quand un email ou un appel vous interrompt au milieu d’une tâche, il faut du temps et de l’énergie pour retrouver toute votre attention et votre concentration: 23 minutes en moyenne selon l’University of California, Irvine research. Quand on sait qu’une personne regarde en moyenne 150 fois son téléphone par jour, les calculs sont vite faits… Comme l’illustre cette infographie de Laura Montini, le multitasking est un désastre: les volumes de temps et d’argent dilapidés sont effarants !
2. Au risque de vous décevoir, le multitasking, en fait, ça n’existe pas. Le terme multitasking vient de l’industrie informatique. Cela désigne la capacité apparente d’un microprocesseur à traiter plusieurs tâches simultanément. En réalité, le microprocesseur n’en accomplit qu’une à la fois en alternant entre elles de manière rapide (on parle alors de time sharing). De la même manière, nos cerveaux ne sont pas équipés pour accomplir deux tâches en même temps. Lorsque nous croyons faire deux choses à la fois, nous sommes en fait en train d’alterner entre les deux. Il s’agit de micro-tasking, pas de multitasking.

Mais alors…Que faire ?

Vous l’aurez compris, le multitasking, c’est mal ! Mais comment lutter contre ce fléau moderne ? N’ayez crainte, tout n’est pas perdu. Voici quelques astuces et techniques à mettre en oeuvre pour éviter de tomber dans le piège. En les mettant en oeuvre, vous améliorerez à la fois votre productivité et votre santé mentale !

1. Ne lisez pas vos emails en permanence. C’est l’un de mes conseils préférés prodigués par Tim Ferriss dans son best seller The Four-Hour Workweek ou La semaine de 4 heures en français. Si vous lisez vos emails en continu dès qu’ils arrivent dans votre boîte de réception, vous introduisez des dizaines de micro-interruptions dans votre journée sans jamais reprendre le fil et atteindre votre rythme de croisière en termes de productivité. Il ne faut pas croire que répondre à ses mails comme jouer au ping pong fait de nous des rois de l’efficacité. Au contraire, cela veut dire que l’on est soit désoeuvré soit facilement distrait. Tim Ferriss conseille de regarder ses mails une fois par semaine ! Bon, il exagère peut-être un peu…Commencez avec 2 ou 3 sessions de mails par jour. Si vous avez peur de manquer un email ULTRA-IMPORTANT de votre boss à un moment critique d’un projet où se joue l’avenir de la planète, alors faites un compromis: consultez votre boîte un peu plus fréquemment mais ne regardez que le titre et le nom de l’expéditeur et si c’est une question de vie ou de mort, ouvrez l’email en question.
Cette approche s’applique aux emails et à toutes les distractions digitales en général. Réglez vos notifications de manière à ne pas être dérangé et ne pas perdre votre rythme.

2. Faites des tirs groupés, des (batches, en anglais). Ce que nous venons d’écrire sur les emails s’applique à tout. Concentrez-vous sur une seule chose à la fois et sans interruption (c’est ce que les anglo-saxons appellent le timeboxing). Faites une chose sérieusement pendant 25-30 minutes, prenez ensuite une pause de 3-5 minutes pour reposer votre cerveau: mangez une banane, discutez avec vos collègues, faites le tour du pâté de maison, relaxez-vous ! Vous serez frais pour repartir du bon pied pour une nouvelle salve de 25-30 minutes, et ainsi de suite ! Cette méthode de gestion du temps est appelée technique Pomodoro. De nombreuses applications peuvent vous aider à la mettre en oeuvre si vous voulez essayer (iPhone ou Android).

3. Consacrez-vous à l’activité la plus importante le matin, celle que vous avez une fâcheuse tendance a repousser. Ne commencez pas comme tout le monde en vous ruant sur vos emails. Le matin tôt, avant que le flot d’échanges et de sollicitations de la journée ne se mette a couler, est un moment propice aux tâches difficiles. Attaquez-vous a cette tâche difficile de préférence sans interruption, avec un début et une fin bien définis. Si possible, travaillez au calme pendant cette période (par exemple avec des écouteurs), et surtout, résistez à la tentation de la distraction ! Plus vous êtes concentré, plus vous serez productif. Quand vous avez terminé, prenez quelques minutes pour vous détendre.

4. Ne mangez pas à votre bureau. Malgré plusieurs années en finance dans la City à Londres, je n’ai jamais compris pourquoi certains s’obstinent à essayer de déjeuner et travailler en même temps. Vous n’allez pas apprécier votre repas, faire du mauvais travail, et vous ne profiterez pas de ce moment pour recharger les batteries. Vous allez même pourrir votre clavier avec les doigts graisseux, beurk !

5. Faites des choses différentes, mais pas en même temps. Chez goalmap nous sommes persuadés qu’avoir des hobbies et des objectifs personnels variés est indispensable pour construire une vie riche et équilibrée (« un esprit sain dans un corps sain »). C’est la raison pour laquelle nous avons créé une appli mobile de gestion d’objectifs. Il s’agit de s’impliquer pleinement dans ce que l’on fait en alternant les types d’activité. Votre cerveau est saturé par la négociation difficile que vous venez de terminer ? Allez courir. Vous rentrez du boulot après une journée intense ? Posez-vous une demi-heure pour lire un roman, ca vous aidera à vous ressourcer et à ne pas laisser les soucis du travail polluer votre vie privée. Optimisez votre temps en modulant vos différentes activités de façon à créer un équilibre harmonieux.

6. Accordez aux gens toute votre attention. Quand vous faites du multitasking en interagissant avec quelqu’un d’autre, vous leur envoyez un message fort: vous n’êtes pas concentré sur ce qu’ils vous racontent. Vous avez déjà probablement vécu cette situation où un très bon ami regarde son portable pendant que vous lui parlez au café. Insupportable. Malheureusement, de plus en plus de personnes ont cette attitude irrespectueuse. A tel point qu’un nouveau terme est né: le phubbing (contraction de « phone » et « snubbing » qui veut dire « snober »). Le phubbing ou l’impolitesse 2.0, voilà un très bon exemple de multitasking malsain ! Contre ce fléau, il faut agir ! François Hollande a fait installer des casiers à l’entrée du Conseil des ministres pour lutter contre les « vraies conduites addictives » de ses ministres ultra-connectés. Nous, on laisse simplement notre portable de côté, au bar ou à un restaurant, une manière simple d’indiquer à la personne en face qu’on lui consacre toute notre attention.

Le Phubbing, selon Banksy:

Et selon How I Met Your Mother:

7. Prenez de vraies vacances de manière régulière ! Et quand on dit vraies, cela veut dire complètement déconnectées du travail et avec un minimum de tentations digitales. Plusieurs fois par an si possible, même si cela ne dure quelques jours. Interdit d’emporter dans vos valises votre téléphone professionnel ! Ces dernières années, les frontières entre vie professionnelle et vie privée se sont considérablement effacées. La technologie les a rendu floues. Partout où nous allons, notre travail nous suit, sur nos téléphones toujours plus intrusifs. Il faut savoir couper. On a parfois tendance à penser que l’on est indispensable et que sans nous les projets sur lesquels on travaille vont aller a vau l’eau. N’en déplaise à nos egos, il n’en est rien. Décrochez pour quelques jours et vous verrez, le monde continuera de tourner.

Voilà pour nos conseils. Avez-vous lu cet article d’une traite sans regarder votre compte Facebook ? Bravo, vous êtes en bonne voie. Si vous voulez réagir par rapport à nos conseils, donner les vôtres, ou discuter d’un sujet que nous pourrions aborder dans un prochain article, racontez-nous tout dans la section de commentaires. N’oubliez pas d’aimer/partager cet article avec vos amis, ça nous fera très plaisir !